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"Dieu, Trust, la vie et moi": les drôles de confidences de Raymond Manna, créateur du groupe de hard-rock Trust
C'est un ancien titi parisien qui ne jure plus que par le Var. Raymond Manna a créé le groupe de hard-rock Trust avant de se consacrer entièrement à l'Eglise. Grand écart? Pas tant que ça.
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par F. DUMAS Publié le 08/01/2024 à 08:15, mis à jour le 08/01/2024 à 08:15
Raymond Manna a été l’artisan du groupe Trust, premier groupe de hard-rock français à l’époque où le milieu de la musique ne jurait que par les Anglo-Saxons. Photo Frank Muller
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Raymond Manna a été l’artisan du groupe Trust, premier groupe de hard-rock français à l’époque où le milieu de la musique ne jurait que par les Anglo-Saxons. Les "AC/DC français", comme on les surnommait, volaient au sommet des hit-parades. Alcool, argent, folies... jusqu’à la saturation. Musicien et fervent catholique, Raymond nous raconte son parcours. Étonnant.
Un film documentaire, intitulé l’ombre des projecteurs, vient de vous être dédié. La consécration?
Pas du tout, même si j’ai adoré participer à ce projet. C’est un réalisateur canadien qui m’a contacté en 2022 pour raconter ma vie de croyant: de Trust à l’Église du Var. J’ai dit oui. Le film est diffusé en ce moment sur la chaîne KTO, disponible sur YouTube et je crois que M6s’y intéresse. On verra bien...
Votre foi s’est manifestée à partir de quand?
Il y a très longtemps. J’ai grandi à Argenteuil, mais j’ai perdu mes parents très jeune. J’ai été interne à l’école, j’ai connu la Ddass à 11 ans. J’y suis resté jusqu’à mes 17 ans. Croyez-moi, ça forme. Mais je crois que lorsque ma mère est morte, Dieu était déjà là... Vous savez, la foi était partout dans notre maison. J’ai été élevé dans la foi.
À quel moment le rock est-il venu bouleverser tout ça?
À cette même période. Nous étions une bande de potes à Colombes. Je jouais de la guitare... Une guitare pourrie mais ça m’allait bien (rires). On faisait de la musique, on traînait du côté de l’Olympia. À 18 ans, je suis devenu DJ à la taverne de l’Olympia. Bruno Coquatrix, le patron de l’Olympia, nous aimait bien. C’est à ce moment-là que j’ai connu Bernie Bonvoisin, futur chanteur de Trust. Il a démarré à la batterie mais ça ne le faisait pas. Il a donc pris le micro. Bingo!
Que passiez-vous comme musique à ce moment-là?
J’ai créé Trust en 1976. Juste avant ça, entre 1970 et 1975, je passais les disques des groupes d’alors, comme Statu Quo.
On sortait tout le temps. Il m’arrivait de dormir dans ma voiture. Une vie chaotique mais très joyeuse.
Et Trust dans tout ça?
Trust, c’était fou. Ça a démarré tout de suite très fort. L’argent est arrivé, des gros chèques qui tombaient pour chacun de nous et un succès qui durait... Mais Trust, ça n’a été que cinq années de ma vie. J’étais le plus âgé du groupe, je gérais tout. Dans les années 1980, j’ai voulu faire une pause. J’ai changé de direction.
Laquelle?
Je suis resté dans le milieu de la nuit. J’ai lancé la salle de spectacle La Locomotive, en 1986. Ça a duré jusqu’en 1992. On était plein tous les soirs. Les plus grands y sont passés: David Bowie, Scorpions, toutes les stars de l’époque. Extraordinaire!
Succès et argent ont donc suivi...
Absolument. Une fois, je me suis pointé à l’aéroport et j’ai fermé les yeux. J’ai pointé du doigt une destination et je me suis envolé (rires).
Alors, à quel moment s’est calmée cette vie de démesure?
En 2006. Je suis arrivé à Saint-Tropez avec mon épouse et nous y sommes restés trois ans. Puis j’ai rencontré Dominique Michel dans l’église, que je considère comme mon frère. Oui, je peux le dire: c’est le frère qui m’a toujours manqué. Pourtant, rien ne nous prédestinait à nous rapprocher. Il était de droite. Trust, c’était plutôt de gauche. Il a fait une belle carrière dans l’entreprise; moi, j’ai toujours été dans le milieu artistique... J’ai eu beaucoup d’argent, puis, plus rien. Finalement, la foi en Dieu nous a unis à vie. C’était vrai hier. C’est vrai aujourd’hui.
Comment s’est concrétisée votre foi ici?
J’ai d’abord été aumônier à la prison de La Farlède pendant onze ans. Mais cela n’est pas très important. Ce qui l’est, c’est d’écouter ce que Dieu a à nous dire partout. Tout en découle.
Mais passer de Trust à l’Église, avouez que c’est cocasse...
Oui et non. Dieu m’a toujours accompagné où que je sois. Après, je n’étais pas en paix auparavant. La paix, je l’ai trouvée ici, dans l’Église.
Et dans la fraternité des Chevaliers de Colomb à laquelle j’appartiens. Nous sommes une soixantaine à Toulon et représentons la plus grosse communauté de France. C’est une foi concrète. On s’aide entre nous. Nous sommes une bande de frères, unie à chaque moment de la vie.
On accompagne des retraites spirituelles, on participe à la crèche de la cathédrale, on fait des travaux chez les uns, chez les autres... Fraternité, collégialité et bienveillance: voilà notre triptyque!
Quelle critique vous agace le plus quand on parle de l’église?
Par exemple quand on dit que l’église est triste. Au contraire, c’est la joie! Mais il ne faut pas croire: nous avons autant de problèmes que les autres. La seule différence, c’est qu’on les voit différemment. Vous savez, nous n’avons qu’un objectif, c’est notre salut et celui de nos frères: vous, lui, elle, nous tous.
Et le rock dans tout ça?
Mais il est partout le rock. Dieu, Trust, la vie... Tout ça est lié. En ces temps difficiles, il est important de crier sa foi. Quelle qu’elle soit.
Le monastère de la Verne. (Photo DR).
Bio express
n 1952 : naissance à Bezons, en région parisienne.
n 1970 : devient disc-jockey à Paris.
n 1977 : naissance de Trust, qui conquiert immédiatement le public.
n 1986 : lance La Locomotive, salle rock à Paris.
n 2006 : arrivée à Saint-Tropez puis à Toulon, où il devient aumônier à la prison.
n 2023 : diffusion sur KTO d’un documentaire sur son parcours.
Ca reste entre nous
Qu’est-ce qui vous met de bonne humeur le matin ?
Un seul mot : Dieu. Quand je me réveille, je fais d’instinct un signe de croix pour bien démarrer ma journée.
et de mauvaise humeur ?
Les gens qui pestent sur tout. Notamment sur l’Église sans la connaître. Je n’aime pas qu’on malmène mon Église.
Coups de coeur locaux et petits secrets
Où emmenez-vous quelqu’un qui vient chez nous pour la première fois ?
Au sommet du mont Faron. Pour voir la plus belle rade d’Europe d’en haut. Ensuite, on filerait vers le monastère de la Verne, sublime.
Avec une baguette magique, que changeriez-vous dans la région ?
Je ferais en sorte que nos enfants puissent rester ici pour travailler. On n’en fait pas assez pour les actifs qui veulent rester dans le Var pour y vivre. Pourquoi ne pas organiser une concertation globale pour en parler ?
Qu’est-ce qui vous manque quand vous n’êtes pas dans la région ?
Mes frères. Moi, je n’ai pas de copains, pas de potes, comme on dit. J’ai des frangins (sourire).
Si vous deviez vivre dans une autre région, laquelle choisiriez-vous ?
Nulle part qu’ici. J’ai beaucoup voyagé dans ma vie mais, vraiment, le Var est le plus bel endroit de France.
Je n’étais pas en paix. La paix, je l’ai trouvée ici