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 La phrase du jour

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 19 Aoû 2019, 16:58

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 19 Aoû 2019, 17:01

Je possède des puits de pétrole au Mexique, des milliers d’hectares de pampa en Amérique du Sud, des chaînes de télé dans 16 pays différents, des studios de production cinématographique en Inde, des compagnies aériennes, des casinos, des tankers, des chemins de fer, des armées, des palaces, du métal, des îles… Je suis incapable de vous citer tout ce que je possède, et même mes comptables ne pourraient le faire, car le temps qu’ils aient fini d’annoncer le chiffre, il serait dépassé. Je gagne probablement dix ou vingt mille dollars par minute. Je peux tout acheter. Tout. »

L’homme qui était assis en face de celui qui avait déclaré de telles richesses le regardait, bouche bée. Tous deux avaient le crâne légèrement dégarni, tous deux portaient des chaussures marron, tous deux étaient dans la quarantaine. Mais c’était là leurs seuls points en commun, car le premier était l’un des hommes les plus fortunés de la planète, tandis que l’autre était un clochard qui vivait dans la rue, mangeait ce qu’il trouvait, et seulement quand il trouvait quelque chose.

« Je vous ai choisi personnellement en regardant par la fenêtre de mon bureau, reprit le nabab, et je vous ai fait venir ici pour vous proposer une affaire.

— Euh… moi ?

— Évidemment, vous ! Combien sommes-nous, dans cette pièce ? Êtes-vous conscient d’avoir de la chance ?

— Oui, j’ai eu une douche chaude, un café et un cigare. »

L’autre leva les yeux au ciel et reprit la parole.

« Je ne vous parle pas de ça ! Dans quelques minutes, vous serez riche.

— Riche ?

— Riche ! Dites un chiffre, et la somme sera à vous, mon cher… Quel est votre nom, déjà ?

— On m’appelle juste Sylvain.

— Et bien, mon cher Sylvain, quel est votre chiffre ?

— Euh… je n’ai pas bien compris ce que je fais ici, monsieur… Monsieur ?

— Appelez-moi Henri, comme le font mes amis. Car nous allons devenir inséparables, mon cher Sylvain. Quant à ce que vous faites ici, je vais vous l’expliquer. »

Henri se racla la gorge, se balança deux ou trois fois dans son vaste fauteuil et se remit à parler.

« Je peux réellement tout acheter. Je vous l’ai déjà dit. Qu’une fortune comme la mienne soit dilapidée après ma mort m’est une pensée insoutenable. J’ai donc décidé de ne pas mourir.

— C’est en effet une bonne idée, glissa Sylvain.

— N’est-ce pas ? Pour ce faire, il faut que j’achète une autre vie. C’est là que vous entrez en scène.

— Moi ? Mais qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ?

— Je veux acheter votre vie. Votre prix sera le mien. En échange, vous vous engagerez par contrat à mourir à ma place lorsque ma dernière heure sera venue. Je ne suis atteint d’aucune maladie connue, mon taux de cholestérol est normal, je mange sainement, j’ai quarante-quatre ans, nous avons à peu près le même âge, mais j’en parais dix de moins que vous. Qu’en pensez-vous ? »

Sylvain regardait Henri sans vraiment comprendre, ou plutôt en ayant trop bien compris. Il était dans le bureau d’un fou.

Mais d’un fou riche au-delà de tout ce qui est imaginable. Une heure plus tôt, Sylvain était en train de faire la manche à cent mètres de là. Quand il avait vu approcher les sbires d’Henri, il savait que c’était pour le virer de ce quartier dans lequel il faisait tache. Pourtant, il était à présent dans une situation… inattendue, disons. Il répondit timidement :

« C’est une proposition intéressante. Il est vrai que je n’ai pas grand-chose à perdre.

— Je ne vous le fais pas dire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai choisi quelqu’un comme vous.

— D’un autre côté, si je meurs, même à votre place, à quoi me servirait l’argent que vous me proposez ?

— Mais qui vous parle de mourir ? Nous nous portons très bien l’un et l’autre, pour l’instant ! Bien sûr, nul n’est à l’abri d’un accident. Pour le cas où cela m’arriverait, vous devrez désormais vous trouver toujours à côté de moi, prêt à prendre ma place. Disons à moins de trois mètres. Définitivement, jusqu’à la fin de vos jours. Enfin, des miens. Mais les accidents sont rares, c’est pour cela que ce sont des accidents. Vous mangerez et boirez la même chose que moi, nous irons aux mêmes endroits, nous verrons les mêmes personnes… tous frais payés bien entendu. Désormais, vous devrez en permanence vous tenir prêt à mourir à ma place en cas de besoin. Mais si ça se trouve, vous mourrez avant moi de manière naturelle.

— Et que se passera-t-il dans ce cas ?

— J’achèterai la vie de quelqu’un d’autre pour vous remplacer.

— Ah !

— Vous ne m’avez toujours pas annoncé votre chiffre. »

Sylvain réfléchissait. Il n’avait guère eu l’occasion de le faire ces dernières années, mais c’est comme la bicyclette, une fois qu’on a pris le coup, ça ne s’oublie pas. Que risquait-il dans cette transaction ? Que l’autre se lasse de lui et le renvoie dans la rue ? Il y était déjà. Tout ce qu’il aurait mangé dans l’intervalle serait digéré depuis longtemps quoiqu’il arrive. Quant à la somme… Il pensa au plus gros nombre qu’il put imaginer, mais il ne savait pas comment se prononçait un tel nombre de zéros. Il revit rapidement ses prétentions à la baisse, hésita un moment, et annonça ce qui ressemblait à l’ancienneté des dinosaures.

« En euros ou en dollars, demanda juste Henri ?

— Euh… en euros, je préfère. »

Henri donna un ordre dans l’interphone. Une jeune secrétaire apporta presque immédiatement un chèque et un contrat sur un petit plateau argenté. Henri tendit le chèque à Sylvain.

« Il faudra que j’ouvre un compte, dit l’ancien clochard.

— Quelqu’un va s’en occuper pour vous. Signez le contrat là, là et là. Voilà. En route.

— En route ? Où allons-nous ?

— À New Delhi. Je dois y être avant ce soir. »

Henri alla à New Delhi. Sylvain alla à New Delhi. Et à Buenos Aires. Et en jet privé. Et dans un grand restaurant de Sydney. Et à Riga. Il but du champagne à Boston, il pissa dans les toilettes d’un palace de Venise, il assista à une revue de danseuses nues à Bogota, il signa des contrats à Yaoundé, des accords commerciaux à Shanghai, il fuma des cigares énormes, il dégusta des mets improbables, il gagna des fortunes à la roulette, il perdit des fortunes au baccara, il vit Londres, il vit des chats et des tapis persans, il vit des fleurs, des buildings, des aéroports, des papes, des femmes, des hommes, des sports, des vedettes, des Italiens, des spectacles, des temples, des navires, des armes, des domestiques, des présidents, des parfums, du grand, du petit, du gros, de l’amer, du rouge, du sel, des lumières, des autoroutes, des bijoux, des arbres, des choses…

Sylvain était toujours dans les traces d’Henri et avait fini par s’y habituer. Quand Henri mangeait, il mangeait. Quand Henri partait, il partait. Quand Henri dormait, il dormait. Quand Henri parlait, il se taisait. Certaines situations étaient un peu gênantes, mais, avec le temps, ils s’y étaient faits l’un et l’autre. Personne ne faisait attention à Sylvain, personne ne le voyait. Il était probablement devenu transparent. Et quand Henri passait quelques heures avec une femme, Sylvain attendait tout près, et parfois il profitait de ce qui était délaissé.

Sylvain était heureux. Aussi petit, inutile et vain qu’autrefois, il mangeait à sa faim des plats qui coûtaient trois mois de salaire d’ouvrier, il dormait dans des draps de soie, il posait un œil blasé sur des dizaines de pays, sur des spectacles époustouflants, sur les corps de femmes magnifiques…

« Nous allons à l’opéra, tu es prêt, demanda Henri ?

— Oui, bien sûr, répondit Sylvain en se demandant pour la millième fois ce qui arriverait s’il disait non. »

La limousine filait sur l’avenue. Dans une rue perpendiculaire, une autre voiture arrivait à grande vitesse, conduite par un chauffard bourré comme un coing. Le choc fut terrible. Le chauffeur d’Henri, Henri et Sylvain reçurent le coup de plein fouet.

Rapidement, les secours furent sur place.

« Regardez, dit l’un des pompiers. N’est-ce pas Henri… Henri comment, déjà, le milliardaire ?

— Si, c’est lui. Milliardaire ou pas, il a son compte.

— Le chauffeur aussi.

— C’est qui, le troisième type ? En tout cas, il est mort comme les deux autres. »

*****

« On est où, là, demanda Henri ?

— Je crois qu’on est mort, monsieur, répondit le chauffeur.

— Mort ? Ne soyez pas ridicule, je ne peux pas mourir, vous le savez bien. »

Le chauffeur ne répondit pas et s’éloigna dans la brume qui les cernait.

« Sylvain ? Qu’est-ce que je fais là ?

— Comment ça, qu’est-ce que tu fais là ?

— Tu devais mourir à ma place, idiot !

— Arrête tes bêtises, Riton, personne ne peut mourir à la place de quelqu’un d’autre. Quand c’est ton heure, c’est ton heure, voilà tout !

— Ça fait quatre ans que je te traîne partout, que tu bouffes les meilleurs plats, que tu bois des pinards à cinq mille euros la bouteille, que tu te tapes les plus belles femmes du monde, que tu voyages, que tu profites de tout ça sans rien branler, et au moment de commencer à faire ton boulot, tu te défiles ! Non, mais, tu sais à qui tu parles, là ?

— À un fou, mon pauvre Henri. Et à propos des plus belles femmes…, j’ai juste pris ce que tu me laissais, quand il y avait des restes.

— Comme quand tu étais dans la rue et que tu voulais bouffer, mon cochon ! Et tu vas y retourner ! Je te vire !

— D’accord, je me casse. Après tout, c’est pas mon heure à moi, c’est la tienne. Je n’aurais même pas dû être dans cette bagnole ! »

Sylvain fit demi-tour, laissant Henri poursuivre sa route à la suite du chauffeur. Il revint à la limousine, enfin seul depuis longtemps, et chercha son corps dans les décombres, en pensant à la somme qu’Henri lui avait payée et qui l’attendait sur un compte suisse.

*****

« Tu es sûr qu’il est mort, le troisième type ? Je crois qu’il a bougé.

— Évidemment que j’en suis sûr. Sacrebleu, tu as raison ! Il est bien touché, mais il est vivant.

— Oui, une vingtaine de fractures, la cage thoracique enfoncée, mais il devrait survivre…

— Et ben, on peut dire qu’il a eu du bol, celui-là ! »
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 19 Aoû 2019, 17:03

Un beau métier. C’est par ces mots que mon instructeur avait défini mon futur boulot, le jour où j’ai décroché mon diplôme. C’était il y a une vingtaine d’années, et depuis, je suis flic. Tu parles d’un beau métier ! J’ai vu presque autant de sang qu’un boucher, presque autant de morts qu’un thanatopracteur et j’ai entendu bien plus d’histoires sordides qu’un curé dans son confessionnal. Et pour couronner le tout, je suis expédié dans ce pays du bout du monde, sur une affaire dont je ne sais rien, une enquête dans laquelle je n’ai aucun réel pouvoir, pour raisons politiques, mais que je suis condamné à résoudre pour éviter la retraite anticipée. Ah ! Quel beau métier !

Résumé des épisodes précédents. Mademoiselle Clara R, jeune Française venue étudier dans ce magnifique pays, a été retrouvée morte étranglée. Une histoire très banale, malheureusement. Là où ça coince, c’est qu’elle se trouvait dans le lit d’un ministre dudit pays, trois fois plus âgé qu’elle, et que c’est l’épouse d’icelui qui a retrouvé la demoiselle à cet endroit compromettant. Scandale, incident diplomatique et tout le tintouin.

Évidemment, le ministre en question affirme ne pas connaître Clara R, et il ne comprend pas ce qu’elle faisait dans le pieu conjugal. Et moi, je suis supposé dénouer l’affaire, tout en blanchissant le ministre, tout en rassurant sa légitime, tout en consolant la famille de la fille, tout en ne mettant pas les pieds dans le plat des relations déjà fraîches entre la France et les autorités locales, tout en restant dans mon coin. En effet, on m’a prévenu officiellement : cette enquête n’est pas officielle. Je n’ai aucune autorité, aucune possibilité, aucune présence légale.

Et je fais quoi, moi, si je me rends compte que c’est le ministre qui a tordu le cou de la gamine parce qu’elle le menaçait de publier leur histoire de cul au grand jour, à moins qu’il mette la main à la poche ? Je fais quoi, si c’est sa femme qui s’en est occupé après avoir découvert qu’elle était cocue ? Il faut que je trouve la vérité, mais que cette vérité soit celle qui a été désignée vraie. Beau métier, t’as raison…

À peine suis-je sorti de l’avion que la température me saisit. C’est pire que ça. Elle me mord, me déchire, me lacère. Je croyais connaître le froid, mais je me rends compte en quelques secondes que c’était faux. « On est en janvier, prenez des vêtements chauds », m’avait prévenu le préfet en m’envoyant ici. Alors, j’ai pris quelques pulls, un anorak, des grosses chaussettes… Des trucs pour me protéger du froid, quoi. Mais pas à ce point, ça, je n’aurais pas pu l’imaginer. J’en avais entendu parler, bien sûr, et j’avais vu des photos. Mais y être, c’est autre chose. Qu’est-ce qui pourrait survivre dans un coin comme ça ? Pas l’homme, c’est sûr, et peut-être même pas la bête. Ou bien une bête vraiment équipée, avec des couches et des couches de poils, de plumes et de graisse, en alternance. Tout est durci par le gel. Même l’air est si épais à respirer que je doute de pouvoir avancer normalement. J’inspire, et ça brûle tellement c’est froid. Va comprendre !

L’aéroport est chauffé, heureusement, et il ressemble à n’importe quel autre aéroport dans le monde, avec ses couloirs, son tapis pour récupérer les bagages, et sa douane. Rien à déclarer ? Si, une terrible envie de retourner à la civilisation. C’est bon, vous pouvez entrer, bienvenue au Québec, monsieur.

Le Québec, province du Canada ! Les grands espaces, le Saint-Laurent, les paysages magnifiques, les motoneiges, les huskys aux yeux bleus, l’érable et son sirop, les chutes du Niagara, et Montréal, avec son aéroport Trudeau. Ce qui n’est pas dit dans les dépliants touristiques et qui ne se voit pas sur les cartes postales, c’est le froid.

Je passe la barrière et je regarde autour de moi, car normalement, quelqu’un est là pour me récupérer. En effet, j’avise un grand gars planté au milieu de la foule, en train de croquer une pomme, une pancarte à la main et mon nom écrit dessus au feutre noir. Mais ce qui me fait hésiter à m’approcher, c’est la tête du type ! Si je ne savais pas que Picasso était espagnol, je penserais qu’il était canadien et que c’est celui-là qui lui a servi de modèle. Il a un œil plus grand que l’autre, mais l’autre est plus haut. Sa bouche est de côté, son nez en travers, une de ses oreilles a dû être échangée avec celle d’un mouton, il penche, il est bossu, et tout le reste est à l’avenant. J’avance malgré tout dans sa direction, et il réalise que c’est moi qu’il attendait. Du coup, il se fend (vraiment) d’un large sourire et baisse sa pancarte sur le crâne d’une grosse femme qui n’avait rien fait.

« Ah, vous voilà, monsieur Duchesne. Je suis l’inspecteur Labrosse, mais appelez-moi juste Adam, comme tout le monde. »

Je lui serre la main tendue avec l’enthousiasme d’un fennec devant une montre à quartz. Monsieur et Madame Labrosse ont un fils… Adam ! Quelle idée ils ont eu de lui filer un blaze comme ça ? Peut-être que ses parents étaient idiots et qu’ils n’ont rien vu. Mais peut-être aussi qu’ils ont trouvé ça drôle.

« Enchanté, parvins-je à articuler. Mon prénom est Patrick.

— Suivez-moé, Patrick. On m’a recommandé de pas vous faire tourner en rond et de vou zamener dzirectement voir le corps de la p’tite Française. Stu correc’ avec vous ? »

J’avais oublié l’accent québécois, ça au moins, c’est un truc marrant. Mais je ne sais pas pendant combien de temps ça va me faire rigoler… Il me propose, si je préfère, d’aller me présenter au directeur Frontenac, chargé de l’enquête et équivalent local d’un commissaire, mais j’opte pour la morgue. Autant commencer par le plus désagréable.

Nous sortons de l’aéroport et le froid se jette à nouveau sur moi avec férocité. Il semble épargner mon guide, probablement habitué, et nous nous dirigeons vers une grosse voiture noire. Canada ou pas, une voiture de flics, ça se repère de loin. Je suis sûr que même s’il y en avait une, banalisée, au fin fond de la brousse, on la reconnaîtrait à deux cents mètres. Tandis que nous roulons, je découvre la ville.

Tout est blanchâtre de neige sale. Les immeubles, les trottoirs, les arbres, les routes, les autres véhicules, tout. À propos de brousse, je me réchauffe comme je peux avec des images de savane surchauffée, de cocotiers, de jungle tropicale… Je repense à ce roman que j’ai lu il y a quelques années, une histoire qui se passe en Afrique du Sud, avec l’apartheid et la discrimination. Ça s’appelait Une saison blanche et sèche, je crois. À part la chaleur, bien sûr, ce titre conviendrait assez bien à ce qui m’entoure. Tout est blanc, enfin, relativement, car ici, en ville, la neige entassée le long des rues prend une teinte grisâtre et sale. Je suis étonné de constater qu’il ne fait pas aussi sec que je m’y attendais. J’avais pensé que par de telles températures, la flotte à l’état liquide serait plus rare que l’or. Mais en fait, tout est humide, de cette humidité qui fait pénétrer le froid encore plus profondément sous la peau, jusqu’à l’os. Qu’est-ce que ça doit être en été ! Enfin… si l’été existe, dans ce pays qui n’est pas un pays, mais plutôt l’hiver devenu territoire. Je réalise qu’Adam est en train de parler.

« … en janvier, y fait frette en calvaire, évidemman, mais ben couvaerts pis avec des mitaines, on peut aller magasiner pareil. Pas d’misère, pour hin Québécwa pure laine, mais… »

Je réalise que si je le laisse parler, on y sera encore demain, alors que j’ai envie de rentrer au bercail le plus tôt possible. Alors, je l’interromps brusquement, tant pis pour la politesse, et j’amène la conversation sur l’enquête qui m’a expédié ici.

« Adam, pouvez-vous me parler de cette histoire de fille étranglée ? Comment les choses se sont-elles passées ? »

Il ne sourcille même pas, mon Quasimodo. Il enchaîne directement sur le nouveau sujet.

« Ah, c’t’affaire-lâ ! J’y étais pô, mais y parait qu’la blonde dzu ministre, elle s’excitsait l’pouèl dé jambes pas à peu près. Remarquez, je la comprhein. Ça doué pas aêtre beau d’se faire remplir. Lui, au contraire, restait relax, tsé. Y’a juste lâché un waque quand il a vu la p’tite… »

J’arrête de l’écouter, parce que je ne pige rien à son français canadienisé. Je savais bien que ça ne me ferait pas rigoler longtemps. Cette enquête est encore plus compliquée qu’un contrat d’assurance, mais tant pis, puisque je fais un beau métier.

« Ça y est, c’est lâ, annonce mon guide. »

Les morgues, c’est comme les voitures de poulets, elles sont les mêmes partout. Pourtant, celle-ci présente une différence importante avec celles que j’ai déjà eu l’occasion de visiter : elle est chaude. Bon, pas vraiment. Deux ou trois degrés, comme les autres. Mais en arrivant du dehors, j’ai l’impression qu’il y fait bon. Quelques minutes plus tard, guidé par un employé, je me retrouve devant le tiroir où Clara R a été remisée comme un truc gênant. Ce qu’elle est, en réalité.

Des macchabées, j’en ai vu quelques douzaines, bien sûr. Des gros et des petits, des mâles et des femelles, des jeunes et des vieux, des en sang et des en morceaux, des encore chauds et des faisandés qui puent… Mais j’arrive pas à m’habituer. À chaque fois, j’ai droit à ma montée d’adrénaline, à mon haut-le-cœur, à ma mâchoire qui se crispe en découvrant ce qui reste de l’autre. Et à chaque fois, cette putain de petite voix qui me glisse « Un jour, toi aussi tu seras comme ça, tout froid, tout raide, tout mort. » La peau de la fille est blanche et sèche, elle aussi.

Elle devait avoir vingt-deux ou vingt-trois ans. Brune, cheveux courts, le nez retroussé, quelques taches de rousseur, mince et pas très grande. Les yeux, je sais pas, ils sont évidemment fermés. Jolie, sans doute. J’entends un bruit de mastication derrière moi, je me retourne. Adam est un peu plus loin, en train de croquer une pomme à belles dents. J’avale avec difficulté et je sens la mienne, de pomme d’Adam, descendre et remonter en raclant dans ma gorge. Comment fait-il pour manger tranquillement dans un pareil endroit, devant le corps de cette gosse ?

« Ça y est, Patrick, me demande-t-il en postillonnant ? On peut partsîr, maint’nhan ?

— Pas encore, répliqué-je avec raideur.

— C’est correc, mais à part les bobettes roses de la p’tite, il n’y a rien d’intséresshant à vouèr, insiste-t-il. »

Je ne réponds même pas. Mes réflexes professionnels reprennent le dessus, et je reporte mon attention sur Clara. Son visage est bleui. Normal, pour une étranglée. Traces sur le cou, un hématome à la joue gauche. Bien sûr, elle ne s’est pas laissée occire sans se débattre. Je repousse le drap qui la recouvre. Dessous, elle est nue, et il y a d’autres bleus. Sans me retourner, car je ne veux pas le revoir la bouche pleine, je demande à Adam si elle était dans cette tenue lorsqu’on l’a retrouvée. C’est l’employé qui me répond à sa place. Quand on l’a amené ici, elle était en sous-vêtements aguicheurs. On l’a déshabillée en vue de l’autopsie qui n’a pas encore été effectuée, seulement les premières constatations pour le rapport. Je me rapproche et je la regarde un peu partout.

Ça sert rarement à quelque chose, je le sais, mais je sais aussi que plus on en voit, plus on en apprend, s’il y a quelque chose à apprendre. Alors, je scrute chaque centimètre carré de la peau de Clara, et tant pis pour ce que peuvent penser Adam et l’employé de la morgue quand j’examine ses seins aux aréoles roses et sa toison pubienne. Je m’approche de son visage, puis de ses mains. Sous les ongles, j’aperçois une matière jaunâtre. Je demande une loupe. Panique à bord. C’est comme si j’avais réclamé le collier de la reine. Les deux autres se mettent à courir dans tous les sens, avant que l’employé se souvienne qu’il est nanti de son inséparable couteau suisse dont il ne se sert en fait jamais, le modèle balèze, Trois cents soixante-dix grammes, avec quatre-vingt-cinq accessoires, dont le sifflet à ultrasons, la chignole à roulette et l’épépineur de pastèques. Et aussi une petite loupe à fort grossissement.

Équipé comme Sherlock Holmes, je replonge vers la menotte de la fille. En effet, quelque chose de pulpeux est resté sous ses ongles. La caisse à outils du fonctionnaire modèle proposant également une minuscule pince à épiler, je l’utilise pour récupérer ce truc mou et peu ragoûtant. La chose va être envoyée je ne sais où pour analyses. L’employé referme le tiroir de Clara, et nous ressortons de cet endroit, Adam et moi. Malgré le froid, je préfère être ici.

Cette fois encore, Adam me laisse le choix de la prochaine destination. Je peux aller visiter le lieu où le corps a été retrouvé, ou bien faire la connaissance du directeur Frontenac, chef du SPVM, Service de Police de la Ville de Montréal.

J’hésite. J’ai envie de voir la scène du crime, comme il dit. Surtout, j’aimerais bien interviewer le ministre et sa moitié, mais le préfet m’a prévenu que j’avais peu de chances de pouvoir les rencontrer. Ma présence ici est transparente, je ne suis pas là pour poser des questions à des pontes, mais seulement pour les blanchir. Celui qui dirige cette enquête, c’est le directeur québécois. Simplement, je ne dois pas le gêner dans son travail. Je ne suis pas son subalterne, mais je dois m’écraser devant lui, voir ce qu’il me montre, entendre ce qu’il me dit, trouver une porte de sortie à cette affaire et faire en sorte que ce soit lui qui en tire les honneurs.

Alors, tu parles, si j’ai envie de lui être présenté ! Encore un de ces gros autosatisfaits, qui savent depuis la maternelle qu’ils seront flics comme papa, qui connaissent par cœur le règlement qui s’applique aux autres et la théorie d’un boulot qu’ils n’effectueront jamais eux-mêmes.

De toute façon, je vais devoir y passer, alors, maintenant ou plus tard… au moins, son bureau sera chauffé. Va pour le big boss.

Nous voilà repartis en voiture. Je ne sais pas comment Adam arrive à conduire avec toute cette gadoue neigeuse. Les roues de la bagnole sont équipées, il a l’habitude, mais quand même, je me sens obligé d’être admiratif. Il se paye même le luxe de croquer encore une pomme en tenant son volant d’une main. Je me demande vaguement d’où il les sort, pendant qu’il baragouine son français d’outre-Atlantique. Je comprends, ou je devine, qu’il me parle du directeur Frontenac, pour qui il a une grande estime. « Quelqu’un d’exceptionnel, extrêmement efficace, probité, conscience professionnelle, gna, gna, gna… » Il me gave, Labrosse, avec ses éloges et son super flic. Je repense à la célèbre police montée, avec les canassons et les costars rouges. Je vois bien Adam déguisé comme ça et monté sur un bourrin. Pauvre bête…

Pour tuer le temps, je regarde le paysage monochrome que nous traversons. Des gratte-ciel, des espaces verts devenus gris de saleté, le Saint-Laurent presque entièrement gelé et parsemé de glaçons gros comme des corbillards, des dizaines de voies parallèles, entrecoupées de larges avenues au tracé à peine moins rigoureux. Nous roulons pendant plus d’une demi-heure, durant laquelle le décor toujours semblable à lui-même ne parvient pas à m’ennuyer, grâce à sa beauté irréelle. Enfin, notre véhicule pénètre dans un parking souterrain, rue Saint-Urbain, à en croire mon guide.

Ascenseur, couloir, et bureau dans lequel je suis introduit sans Adam qui repart dans les corridors. Je regarde le paysage par la baie vitrée. C’est froid, le Québec. Très froid. Mais très beau. Depuis ce point de vue, le panorama est époustouflant. La porte s’ouvre, une femme entre, et je suis encore époustouflé. Trente-cinq à quarante ans, en plein épanouissement, sûre d’elle, cheveux bruns, yeux verts, bouche rouge, douce, décidée, silhouette élancée, poitrine haute et ferme, charmante, belle, délicate, parfaite, pure, magnifique, majestueuse, sublime… Elle n’est pas jolie, elle est somptueuse, divine, féerique. Elle est la Shéhérazade des mille et une nuits, la Cléopâtre de l’antiquité, la Néfertiti des Égyptiens, la Vénus de Milo, la Joconde de Léonard, toutes celles-là à la fois, et bien d’autres encore. Comment une telle femme s’est-elle retrouvée ici, dans cette maison de flics ?

« Je suis le directeur Frontenac », me dit-elle sans préambule, sans hésiter, et sans prêter la moindre attention à l’état dans lequel sa présence m’a mis.

Quel accent charmant ! Brièvement, j’ai une pensée pour mon commissaire à moi, le supérieur acariâtre que je me farcis chaque jour, mais je chasse bien vite cette image pour revenir à la réalité. Voici donc un directeur canadien. Quel beau métier ! Elle me tend sa main que je serre, puis elle la reprend lorsque je commets l’erreur de la lâcher, et elle va s’installer derrière le bureau en bois, m’invitant d’un geste à m’asseoir également. Il était temps, mes jambes n’ayant pas l’intention de me porter plus longtemps dans de telles circonstances. Elle recommence à parler pendant que je la dévore des yeux.

« Je suis ravie de faire votre connaisshance, inspecteur Duchesne. Je suis également ravie que la Frânce, pour partsiciper à cette enquête, ait pu envoyer un de ses fins limiers.

— Euh, fin limier…

— J’ai appris que vou zête zallé voir le corps de la victsime et que vou zavez déjà fait une découverte qui pourra nous avhâncer. Vous êtes trè zéfficace, inspecteur.

— Euh, très efficace…

— Ce qui nous laisse perplexes dans cette enquête, c’est que cette jeune frhânsèze était une étsudiante discrète et sans histouère. Certaines jeunes filles ont parfois tendance, pour gagner un peu d’arghânt, à faire dé zextras en compagnie de messieurs, vous voyez c’que je veux dire.

— Euh, vous voulez dire…

— En clair, elles se prostsitsuent. Mais nos services sont formels, Clara n’avait pas recours à ces pratsiques. Pourtant, elle a été retrouvée dans une tenue plus qu’aguichhânte, avec ses bobettes roses. »

Là, troublé ou non par la présence de ce commissaire hors du commun, je sursaute. J’ai déjà entendu parler de bobettes roses, j’en suis certain. Je cherche dans mes souvenirs récents. Ça me revient. À la morgue, Adam a dit je ne sais plus quoi à propos des bobettes roses de la fille. Je croyais alors qu’il faisait une allusion grossière à ses seins, mais je devine à présent qu’il devait s’agir d’autre chose.

« Mais… qu’appelez-vous des bobettes ?

— Il s’agit d’une aexpression québécoise, m’explique-t-elle en souriant, ce qui me met en ébullition. Les bobettes désignent les sous-vêtemints, d’une manière générale. Ceux que portsait votre concitsoyenne étaient d’un geinre assez… provoquint.

— Si ma mémoire ne me trahit pas, Adam, enfin… l’inspecteur Labrosse, m’a dit qu’il n’était pas présent lors de la découverte du corps, n’est-ce pas ?

— En effet, il n’est pas sur cette hânquête. Il s’est just’ proposé d’lui-maême pour vous guider à Montréal.

— Mais alors, comment pouvait-il savoir que la fille a été retrouvée en sous-vêtements roses, alors qu’à la morgue, elle était nue, afin d’être autopsiée ?

— Comment savait-s’il… »

Le directeur Frontenac se tait d’un coup et se perd dans ses pensées. Brusquement, elle devient toute blanche. Et sèche ? Puis elle se rue sur l’interphone et demande qu’on lui amène immédiatement l’inspecteur Labrosse Adam. J’ai envie de rire en entendant ce nom, mais elle me fait sortir de son bureau avant l’arrivée de l’autre.

Je poireaute durant plus d’une heure dans une salle d’où la vue est aussi spectaculaire que celle que j’ai pu contempler un peu plus tôt. Il semble que j’ai dit un truc décisif, mais je ne parviens pas à comprendre quoi. Évidemment, il y a des quantités de choses dont je ne suis pas au courant, mais vraiment, je ne vois pas ce que cette histoire de bobettes roses a de si important pour provoquer un tel ramdam. Enfin, un jeune flic vient me chercher et me ramène dans le bureau du directeur Frontenac, qui est en train de noter quelque chose dans un calepin avec un stylo à l’encre violette. Elle m’accueille avec un sourire radieux, lequel fait de moi le point le plus calorifère du Québec.

« Cher inspecteur Duchesne, je n’sé pâ commhânt vous r’mercier. Grâce à vous, cette affère a été résolue et classée très rapidemhânt.

— Euh… grâce à moi ?

— Il faut que je vous mette au courhânt de deux ou trois choses que vou zignorez et qui sont la clé dse drame. Tout d’abord, sachez que le ministre impliqué est mon oncle. Sachez aussi que la substhânce que vous avez trouvée sous les ongles de Clara a déjà été analysée. Il s’agit simplemhânt de pulpe de pomme. Hansuite, et c’est le point le plus gênhânt pour moi, je dois vous avouer qu’Adam, l’inspecteur Labrosse, me poursuit de ses assidzuités depuis plusieurs années. Évidhâmment, je l’ai toujours repoussé.

— Évidemment, dis-je en rejetant l’image contre nature de cette belle avec l’autre bête.

— Par venghânce, il s’en est pris à ma famille. Il a fait la connaisshânce de Clara R, il a sympathsisé avec elle, puis il l’a étranglée et il s’est débrouillé (je vous fait grâce des détails) pour que son corps soit retrouvé dans des circonsthânces comprometthântes chez mon oncle, dans le but de ruiner sa réputation et bien sûr la mienne en même temps, étant donné ma position. Il a fini par tout reconnaître. Ce qui vous a alerté, c’est cette histoire de bobettes roses. Ce qui m’a aéclairée, c’est la pomme que vous avez retrouvée sous les ongles de cette malheureuse fille. Vous avez dzû remarquer que Labrosse en consomme beaucoup.

— Ça, on peut dire qu’il en croque.

— Il ne me reste plus qu’à vous remercier chalheureusemhânt une fois de plus et à vous féliciter. Je ferai parvenir à vos supérieurs un rapport très aélogieux sur votre partsicipation dans cette hânquête. »

Elle sourit une fois de plus, ma température grimpe dangereusement, et elle ajoute, presque timidement :

« J’ai un petsit cadeau pour vous, pour l’aide apportée. J’ai retrouvé çâ dans un coin d’mon bureau, j’espaère que vous allez trouvez çâ comique. »

Elle me tend un manuel de conversation canadien, à l’usage des touristes français, avec la traduction des expressions les plus typiques. En plus, elle a de l’humour. Je bafouille un vague merci, mais déjà elle sort du bureau en me frôlant et en me noyant dans la traînée de parfum qui la suit comme j’aimerais le faire.

Tout va très vite. Je me retrouve à l’aéroport Trudeau après avoir mené l’enquête la plus délicate, la plus compliquée et la plus rapide de ma carrière : moins de trois heures. D’ailleurs, je ne l’ai pas réellement résolue, ou alors tout à fait involontairement. Je ne sais rien du directeur Frontenac, ni son prénom, ni si elle est mariée… rien. L’avion décolle déjà vers la France et des températures plus clémentes.

J’ai toujours à la main le manuel touristique. Je le feuillette machinalement et, par jeu, j’y cherche les « bobettes ». En face, dans la marge, je vois qu’un numéro de téléphone a été récemment griffonné à l’encre violette. En regardant par le hublot, j’aperçois une dernière fois la ville de Montréal, le Saint-Laurent et ses glaçons, la blancheur de la neige… Quel beau pays ! Quel beau métier !
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 19 Aoû 2019, 17:04

Laurence Apisse avait fini sa journée de travail. Une morne journée, à l’image de tout le reste de sa vie, pensait-elle parfois. Toujours célibataire à trente-huit ans, obscure documentaliste dans une bibliothèque de quartier, pas d’amis, pas de passion, et un embonpoint auquel n’étaient pas étrangères les sucreries qu’elle engloutissait durant ses tristes soirées, avec un écran de télé pour toute compagnie.

Les yeux baissés vers le trottoir, Laurence parcourait à pas lents et lourds les quelques centaines de mètres qui séparaient la sortie du métro de l’immeuble où elle résidait. Elle s’attarda devant une vitrine de lingerie, rêvassant en admirant les modèles présentés qu’elle ne porterait jamais. Non seulement il n’y avait personne dans sa vie à qui elle aurait pu offrir ce genre de plaisir, mais en plus, elle aurait l’impression de mener un combat évidemment perdu d’avance contre les magnifiques créatures dont les photos publicitaires ornaient ladite vitrine.

Laurence repartit, continuant à fantasmer comme une adolescente sur les mensurations idéales qu’elle n’aurait jamais, sur le prince charmant qu’elle n’attendait plus, et sur le boulot passionnant et bien payé qu’elle ne décrocherait pas. Alors qu’elle marchait au ras de la chaussée, un motocycliste lui jeta d’une voix coléreuse :

« Vire ton gros cul, Maya, j’ai pas le temps de faire le tour ! »

Et il fila dans le caniveau, aspergeant d’eau sale les pieds de Laurence. Elle haussa les épaules, sans même songer à se rebeller ou à répliquer à la brute.

Elle arriva bientôt chez elle, ôta ses chaussures, et alluma la télé avant même de se changer. Alors que son regard tombait sur son reflet dans la glace, elle repensa à ce que lui avait crié le goujat en deux roues.

« C’est vrai que j’ai un gros cul, se dit-elle. Et de grosses cuisses. Et de gros bras, de grosses joues… »

Au collège, déjà, les garçons l’avaient surnommée le bûcheron, et les filles n’avaient pas tardé à suivre.

« Je suis grosse, moche et conne. J’ai dû être ratée dès le départ. Un bug, sans doute. Un bug dans mon programme. »

Résignée, elle finit de s’habiller et jeta un coup d’œil sur le courrier à travers ses épaisses lunettes. Une facture et quelques publicités, parmi lesquelles les promesses d’une agence de voyages, celles d’une épicerie fine qui venait de s’installer dans le quartier, et un imprimé personnalisé, un simple feuillet jaune qui affichait Mademoiselle Apisse, si c’était à refaire… comment seriez-vous aujourd’hui ? Suivait juste l’adresse d’un site Internet. Laurence froissa le papier et le jeta avec les deux autres réclames dans la corbeille, qu’elle loupa.

Comme elle le faisait les soirs où elle avait le bourdon, elle se cala bien vite devant le petit écran, entre une pizza surgelée et des truffes au chocolat, absorbant comme une grosse éponge les calories, une émission people et la météo, zappant ensuite vers de la télé-réalité pour échapper à un reportage sur le Machu Picchu. Vers vingt-deux heures, elle alla se coucher.

De bon matin, Laurence se prépara pour une nouvelle journée de travail, qui serait sans doute aussi morne que la précédente. Elle avisa les publicités qu’elle avait envoyées la veille à côté de la poubelle et les ramassa pour les jeter convenablement. Le feuillet jaune l’incita à nouveau à se demander comment elle pourrait être si c’était à refaire.

« Si quoi était à refaire, pensa-t-elle ? Ma vie ? C’est impossible. Un événement en particulier ? Bien sûr, il y a des choses que je ne referais pas de la même façon si je pouvais y revenir. Mais comme il n’est pas possible de remonter le temps… »

Elle s’apprêtait à réexpédier le papier aux oubliettes, mais un réflexe la retint. Après tout, que risquait-elle à se rendre sur le site dont l’adresse était indiquée sur la publicité ? Il s’agissait très certainement d’un piège à gogos, un truc qui débouchait sur une proposition pour des produits de maquillage, des rencontres galantes, ou un abonnement à un magazine féminin, mais qu’importe ?

Laurence n’avait pas d’ordinateur chez elle, mais elle pensait trouver un moment pour se connecter depuis son travail, à la pause déjeuner.

En effet, quelques heures plus tard, elle tapa l’adresse en question dans le navigateur de son terminal, et une page apparut sur son écran. Mademoiselle Apisse, si c’était à refaire… comment seriez-vous aujourd’hui ? affichait un bandeau sur deux lignes. En bas, un bouton Suite en forme de flèche l’invitait à cliquer pour connaître la réponse.

La page suivante laissa Laurence rêveuse.

Si votre vie était à refaire, quelles options choisiriez-vous pour mettre à jour votre existence ?

Suivait une liste de questions sensibles, déplaisantes aux yeux de Laurence : Davantage d’argent ? Faible poids ? Plus d’hommes ? Travail plus intéressant ? Des amis ? Moins d’impôts ? Meilleure santé ? Grande maison ? L’énumération était longue, certains points étaient même d’intérêt obscur, comme Fécondité importante ou Vue imprenable.

La suite invitait Laurence à sélectionner les composants de sa nouvelle vie dans un menu d’options assez fourni. Les sujets étaient regroupés par thèmes, et celui de la santé l’intéressait particulièrement. Elle opta évidemment pour une bonne vue et elle cliqua Taille très fine et Activité débordante. Elle choisit également un travail passionnant qui accaparerait beaucoup de son temps, car elle redoutait l’ennui par-dessus tout. Sur les questions du sexe, elle décida de prendre sa revanche et qu’elle attirerait indistinctement et irrésistiblement tous les hommes, mais qu’elle ne s’attacherait à aucun d’eux. Ils l’avaient trop fait souffrir ! De toute façon, ceci n’était évidemment qu’une plaisanterie. Rien ne serait changé une fois qu’elle serait arrivée au bout de ce formulaire.

Par peur de la solitude, Laurence choisit de vivre dans un endroit très peuplé, mais entouré d’espaces verts. Puis, se prenant à ce jeu qu’elle trouvait de plus en plus amusant, elle cliqua plusieurs options presque sans les lire. Beaucoup de fleurs, déplacements par voie aérienne, goût pour les sucreries et même, après une courte réflexion et juste pour rire, Nombreuse descendance.

Parvenue au bout de cet original formulaire, Laurence hésita, le curseur de la souris sur le bouton Confirmez vos choix. Puis, haussant les épaules, elle cliqua…

Durant quelques instants, il ne se passa rien, puis l’habituel message Veuillez patienter fit son apparition, suivi d’un autre. Pour achever la mise à jour de votre existence et activer vos choix, vous devez redémarrer.

Laurence regardait cette déclaration et le bouton OK qui l’accompagnait. Elle se demandait ce que cela signifiait, et elle sentit la méfiance faire son retour. Elle éloigna la souris du bouton, hésitant sur ce qu’elle devait faire, puis décida brusquement que la plaisanterie avait assez duré. Elle cliqua la fermeture de l’application… mais rien ne se produisit. Son navigateur resta ouvert et le message était toujours là. Elle tenta d’arrêter l’ordinateur, mais en vain, il ne répondait plus.

« Encore un plantage, c’est bien le moment, se dit-elle en regardant l’heure. Ma pause est presque terminée, je vais devoir me remettre au travail. »

Avec une grimace de résignation, elle cliqua sur le bouton de confirmation. Tout devint noir…

*******

Laurence retrouve ses perceptions. Elle est dans un endroit très sombre, mais elle distingue parfaitement ce qui se trouve autour d’elle. Tout autour d’elle, même derrière. Un bruit de fond domine tout, comme une sorte de vrombissement incessant qui rend impossible tout échange verbal avec ceux qui l’entourent. Car il y a de nombreuses présences, en ce lieu. Des centaines, des milliers d’individus s’agglutinent autour d’elle. Les communications sont essentiellement olfactives. Laurence capte des quantités d’odeurs lourdes de sens. Les gestes sont également importants. Un battement d’ailes, un frémissement de l’abdomen, chaque attitude peut être un message.

Les mâles se pressent auprès d’elle, mais elle ne leur accorde pour l’heure aucune attention. Jeune reine, elle doit avant toute chose essaimer et fonder une nouvelle colonie. Elle va s’envoler, s’accoupler en plein vol avec des faux-bourdons, puis partir, accompagnée de quelques milliers d’ouvrières. Ensemble, elles tenteront de créer un nouveau nid, duquel elle ne ressortira jamais plus. Mais elles le feront prospérer, et sa descendance sera innombrable.

Laurence est prête pour ce qui sera sans doute le seul vol de sa vie. Mais quel vol ! Elle sent une intense excitation s’emparer d’elle tandis qu’elle s’éloigne enfin de la ruche, montant dans les airs vers les mâles et leur danse frénétique.
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 19 Aoû 2019, 17:37

Là j'en aurais pour la semaine !!!!.............
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeVen 23 Aoû 2019, 07:25

Mesdames, vaut mieux une chiée de types qui posent leur pantalon en votre honneur, qu'un seul qui vous le fait repasser. ( Frédéric Dard )
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeVen 23 Aoû 2019, 07:25

Mesdames, vaut mieux une chiée de types qui posent leur pantalon en votre honneur, qu'un seul qui vous le fait repasser. ( Frédéric Dard )
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 02 Sep 2019, 06:48

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 02 Sep 2019, 08:43

"J' aurais passé ma vie à faire mes débuts"
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeSam 14 Sep 2019, 10:12

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 16 Sep 2019, 08:23

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeSam 28 Sep 2019, 08:32

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeSam 28 Sep 2019, 20:31

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 07 Oct 2019, 09:06

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeMar 08 Oct 2019, 09:24

bien dit ! lol!
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 30 Déc 2019, 09:33

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeLun 06 Jan 2020, 13:52

“Je trouve que la télévision est très favorable à la culture. Chaque fois que quelqu'un l'allume chez moi, je vais dans la pièce à côté et je lis.”
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 08:07

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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 09:51

Elle sait ce que c'est qu'un enfant de 4 ans, cette andouille ? C'est vraiment une burne cette nana ! Pour respecter les "quotas", il fallait une nana noire au gouvernement ? On aurait au moins pu chercher une autre personne qu'une miss précieuse qui n'a pas encore compris que par moments il vaut mieux fermer sa bouche et passer pour une imbécile que l'ouvrir et le confirmer ….
Il y a du ménage à faire à l'Elysée niveau communication. Tous ces con-seillers grassement payés à laisser passer des conneries, ça gave ! Et Macron devrait commencer par son plus proche entourage ! … ou par lui … ?
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 21:55

Sibeth, comme son prénom l' indique Neutral
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeVen 17 Avr 2020, 22:17

+1
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 04:34

Pour moi c'est la représentante type de la macronie, après les bretonnes qui ne trouvent pas de boulot parce qu'elles sont illettrées, les gens du nord qui n'en trouvent pas à cause de l'alcoolisme, elle est la preuve qu'on peut être con comme une valise sans poignées et obtenir un poste important, il suffit juste d'avoir des parents pétés de tunes.
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 04:58

Fake ... On l'a dit par ailleurs, elle n'a jamais affirmé une telle connerie, ça a été repris un nombre incalculable de fois sur les réseaux sociaux sans vérification .
Ca n'empeche pas que cette nana est une incapable dans son boulot .
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 08:04

steph66 a écrit:
Fake ... On l'a dit par ailleurs, elle n'a  jamais affirmé une telle connerie, ça a été repris un nombre incalculable de fois sur les réseaux sociaux sans vérification .
Ca n'empeche pas que cette nana est une incapable dans son boulot .
Le problème c'est qu'elle est tellement conne que tout passe comme le coup de demander au femmes enceintes de retarder leur accouchement de deux semaines pour désengorger les hôpitaux ça vient du Gorafi mais ça avait l'air plausible avec elle
Par contre " la retraite c'est terrible par ce qu'on ne travaille plus et on finit par mourir" elle l'a vraiment dit. bounce
Il n'en reste pas moins qu'une telle incapable à un tel poste ça pose un peu question ou alors c'est la sélection par le pognon donc les enseignants ne servent à rien  il suffit d'avoir des parents riches pour réussir dans la vie.
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MessageSujet: Re: La phrase du jour   La phrase du jour - Page 41 Icon_minitimeSam 18 Avr 2020, 11:21

Vous faites du bashing Neutral
Elle a dit des bêtises( comme d'autres) mais pas que
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